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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Le timbre du cadran venait de sonner six heures et demie. Les prières de la neuvaine étaient finies depuis longtemps ; les longues files des fidèles avaient circulé avec lenteur, et s’étaient écoulées silencieuses dans les rues. Léocadie seule était restée dans le temple du Seigneur. Elle s’était humiliée aux pieds du prêtre pour lui faire l’aveu de ses fautes. Dans ce moment un jeune homme, grand, bien fait, de vingt-cinq ans environ, entra dans l’église. C’était d’ordinaire l’heure à laquelle il s’y rendait, non pas tant pour prier Dieu que pour jouir du spectacle, vraiment grand, que présente un édifice immense qui se voile des ombres de la nuit. Une lampe brûlait immobile au milieu du chœur, et sa lumière vacillante se reflétait pâle sur l’autel. Le silence de mort religieusement solennel qui régnait alors, l’ombre des piliers qui se dessinait sur le fond grisâtre des murs, et qui s’évanouissait comme des fantômes dans les voûtes ; tout, jusqu’à l’écho même de ses pas, avait pour lui un charme, un attrait indéfinissable. C’est là, au milieu des objets qui partout vous présente l’image d’un Dieu, où votre âme enveloppée d’une essence divine s’élève à la hauteur de son être, et contemple dans son vrai jour les œuvres du créateur ; c’est là que lui, il aimait à rêver à l’amour et à ses brillantes illusions. Longtemps il était resté plongé dans une méditation profonde, quand il en fut tiré par l’apparition de quelque chose qui se mouvait dans le haut de l’église ; et un instant après, il aperçut comme un objet blanc qui s’enfonça et disparut derrière l’autel. Il s’avança doucement et distingua une jeune fille à genoux sur le marche-pied de l’autel. C’était Léocadie. Elle était revêtue d’une longue robe de lin, un ruban de couleur de rose dessinait sa taille svelte et légère. Oh ! quelle était belle en cet état ! On l’eut prise pour un de ces êtres célestes, une de ces créatures immortelles, telle que l’eût forgée l’imagination des poètes. Sa tête aux longs cheveux d’ébène, pieusement inclinée vers le tabernacle, annonçait que sa prière était finie. Elle se leva majestueuse, et d’un pas léger traversa la nef et sortit. Le