Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

mes côtés, reposant tranquille ; et si c’eut été quelqu’être malfaisant, l’eût-il laissé approcher sans m’avertir de sa présence ?… Je ne cessais de faire mille conjectures sur ce sang, sur cette main, quand je crus m’apercevoir que les nuages commençaient à se dissiper. La pluie avait diminué d’intensité, et bientôt elle cessa de tomber. Quelques éclairs brillaient encore, mais rares. Le tonnerre s’éloignait, mais toujours en rugissant, comme un lion qui se retire de la scène de carnage où il a exercé sa fureur, plus parce qu’il n’y a plus rien qui lui résiste que parce qu’il est obligé de céder à un plus fort.

III.

LA RENCONTRE.

Aussitôt que je vis que la pluie avait entièrement cessé, je m’élançai vite hors de cette tour, la fuyant comme s’il y eût eu là quelque chose qui me faisait horreur. Et en effet, j’y avais vu du sang… une main… Je marchais d’un pas véloce, sans savoir où j’allais. Le moindre bruit, le roulement d’une pierre que j’avais détachée sous mes pieds, et dont les bonds saccadés se répétaient sur les rochers au-dessous, tout, jusqu’aux branches que je froissais, me faisait frissonner. À chaque instant je tournais la tête, croyant entendre derrière moi les pas d’un meurtrier, qui allait m’atteindre. Et quelquefois il me semblait voir une main qui s’allongeait sanglante pour me saisir… Je m’efforçais, mais en vain, de chasser cette idée de mon esprit ; c’était quelque chose qui me poursuivait partout, et me pressait, comme un cauchemar.

La nuit était encore obscure, et au lieu de prendre le bon chemin, je m’enfonçai plus avant dans le bois : tellement que le soleil était déjà haut, et brillait radieux au ciel, quand j’arrivai de l’autre côté de la montagne. Je cherchais avec avidité quelque hutte, quelque cabane, où je pus trouver quelqu’un qui me donnerait l’hospitalité, qui me fournirait un lit pour me reposer, ou un morceau de pain pour assouvir la faim qui me dévorait et m’étreignait de ses pointes