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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

1835.

LA TOUR DE TRAFALGAR.

Êtes-vous jamais allé jusqu’au Fort des Prêtres à la montagne ? Vous êtes-vous enfoncé quelquefois dans les sombres taillis qui bordent au sud-ouest la montée qui conduit à la Côte des Neiges ? Et si vous avez été tant soit peu curieux d’examiner les sites pittoresques, les vallées qui s’étendent jeunes et fleuries sons vos yeux, les rocs qui parfois s’élèvent menaçants au-dessus de vos têtes ; vous n’êtes pas sans avoir vu comme une tache blanchâtre qui apparaît au loin, à gauche, sur le fond vert d’un des flancs de la montagne. Eh bien, cette tache qui de loin vous semble comme un point, c’est une petite tour à la forme gothique, aux souvenirs sinistres et sombres, pour celui qui connaît la scène d’horreur dont elle a été le théâtre.

I.

L’ORAGE.

C’était, il y a quelques dizaines d’années, par un beau jour du mois de juin, le soleil s’était levé brillant. Je pris mon fusil, et suivi de mon chien, je me dirigeai vers le Fort des Prêtres, dans l’intention de ne revenir que le soir à la maison. Il était midi quand j’arrivai à la Croix Rouge, à laquelle se rattache le souvenir de l’exécrable Bélisle[1].

  1. Extrait du réquisitoire du procureur du roi ; — Je requiers pour le roi que Jean Baptiste Goyer dit Bélisle soit déclaré duement atteint et convaincu d’avoir de dessein prémédité assassiné le dit Jean Favre, d’un coup de pistolet et de plusieurs coups de couteau, et d’avoir pareillement assassiné la dite Marie Anne Bastien, l’épouse du dit Favre, à coups de bêche et de couteau, et de leur avoir volé l’argent qui était dans leur maison ; pour réparation de quoi il soit condamné avoir les bras, jambes, cuisses et reins rompus vifs sur un échafaud qui, pour cet effet, sera dressé en la place du marché de cette ville, à midi ; ensuite sur une roue, la face tournée vers le ciel, pour y finir ses jours, le dit Jean Baptiste Goyer dit Bélisle préalablement appliqué à la question ordinaire et extraordinaire ; ce fait, son corps mort, porté par l’exécuteur de la haute justice sur le grand chemin qui est