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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Ailleurs, dans les vergers, présage de l’automne,
Mûrissait les trésors dont sa main les couronne.
Abrité de feuillage et foulant les gazons,
L’esprit, le cœur remplis de mille illusions,
Je croyais retrouver les hameaux de Virgile,
Ou l’homme heureux des champs qu’a célébré Delille,
En lisant tour à tour les précieux écrits
De ces auteurs rivaux, immortels et chéris.
Mais pourrai-je oublier aussi qu’à leur ombrage
De l’aimable art des vers je fis l’apprentissage ?
Oui ! c’est là que j’allai d’Apollon, de ses sœurs,
Pour la première fois rechercher les faveurs.
J’avais, pour me guider, de sages, doctes maîtres,
Les inspirations de ces sites champêtres ;
Les uns faits pour donner l’éveil à tout talent,
Les autres pour en suivre, en éclairer l’élan.
Si depuis, en courant la carrière des lettres,
J’obtins quelque succès, je le dois à ces maîtres ;
Je ne le dois pas moins au séjour enchanteur
Où tout charme les yeux, et l’esprit et le cœur.
Ô vous, dont la mémoire, après seize ans m’inspire,
Souffrez donc que pour vous vibre aujourd’hui ma lyre.
Mais quel noir souvenir autour de moi soudain
Erre comme un fantôme, et l’arrache à ma main,
Alors que pour combler ma douce jouissance,
Animé par l’élan de ma reconnaissance,
Je m’en allais pour vous soupirer des accents,
Dignes de vos bienfaits et de mes sentiments ?
Hélas ! vous n’êtes plus ! et l’heureux ermitage
A toujours la beauté, la fraîcheur en partage !
Et le deuil n’en a point exilé les oiseaux,
Et ces arbres n’ont point flétri leurs frais rameaux !
C’est que, sans doute, hélas ! c’est votre destinée
D’habiter désormais un plus bel Élysée ;
C’est que dans ce séjour où l’on ne vous voit plus,
De dignes successeurs font briller vos vertus,
Éclater vos talents, et revivre sans cesse
En vous cet art heureux de guider la jeunesse…
Et vous, fils d’Apollon, disciples fortunés,
Que ce site bientôt va revoir rassemblés,
Puisqu’il vous est donné d’y respirer encore,
Ah ! de votre bonheur sachez chérir l’aurore.