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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Ah ! combien il est doux après un long orage,
De rentrer dans le port, de baiser le rivage
Que l’autan furieux semblait nous disputer :
Un bonheur toujours pur devient froid à goûter.
Déjà je vois au loin venir sur la colline
Mon père aux cheveux blancs, que la vieillesse incline.
Ses cheveux que zéphire agite mollement,
Couvrent son front joyeux de leurs boucles d’argent.
De ses pas l’âge, en vain, ralentit la vitesse,
Il me voit, il m’atteint, sur son sein il me presse.
Une mère, une sœur, des frères, des amis !
Je revois donc enfin ces objets tant chéris…
Mais que dis-je ?… Peut-être un funèbre silence
Règne au toit paternel, témoin de mon enfance ;
Qu’un père, qu’une mère, enviés par les Dieux,
Reposent maintenant dans la splendeur des cieux ;
Que ses tristes enfants vont pleurer sur sa tombe
Quand de l’humide nuit le voile épais retombe.
Ils disent : notre frère est aussi loin de nous.
Il quittait pour un rêve un asile si doux !
Il ne répondit pas à la voix de son père,
Lorsqu’à ses yeux la mort déroba la lumière.
        Errant en d’autres climats
Il n’a pas entendu l’airain impitoyable
Sonner… ni dans le deuil s’avancer le trépas,
Tenant le sablier dans sa main redoutable,
        Et notre seuil frémir sous ses pas.

Mais pourquoi de mon cœur augmenter la tristesse ?
De ces illusions, noirs enfants de la nuit,
        Chassons l’ombre qui me poursuit ;
Lyre répète encor tes accents d’allégresse,
        Et dérobe mon âme à l’ennui.

Oui, je verrai ces champs où rêvait ma bergère ;
Du limpide ruisseau j’écouterai la voix ;
Et sous le pin touffu qui vit naître mon père
        Je chanterai mes refrains d’autrefois.

        Aux premiers rayons de l’aurore
        Qui brilleront à l’orient,
        Je poursuivrai de l’œil encore
        L’astre des nuits dans l’occident.