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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.
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Pour nos ayeux la coupe fut amère,
Jamais l’exil eut-il de doux plaisir ?
Ils avaient pris la Seine pour leur mère ;
Puis la quittant ils vont ailleurs mourir.
Cherchant un ciel qui daigne leur sourire,
Le sort, enfin, s’apaise à leurs neveux,
Au nouveau monde un jour commence à luire,
        Il sera glorieux.

O vous, Français, vous eûtes bien des peines,
Depuis qu’un sort jaloux nous sépara.
Jusqu’à nos bords, des chutes de vos chaînes,
Le bruit confus longtemps se prolongea.
Après ces temps de douleur et d’alarmes,
Un doux soleil, pour vous, luit dans les cieux.
Du nouveau monde il a reçu ses charmes,
        Il sera glorieux.

Libres, enfin, preux aînés de l’Europe,
Dans le forum accueillez vos cadets.
Le germe saint partout se développe,
La liberté descend sur leurs guéréts.
De chants proscrits les peuples sur la lyre,
Vont adoucir leur destin malheureux.
Dans le vieux monde un jour commence à luire,
        Il sera glorieux.

Dans cet espoir, Français, chantons encore ;
A nos ayeux ces luths étaient communs.
Doux souvenirs, égayez notre aurore ;
La liberté dissipe les chagrins.
Sujets heureux de son aimable empire,
Oui, Canadiens, Français, noms chers aux cieux,
Puisse longtemps le bonheur nous sourire
        Sous un ciel glorieux.

f. x. garneau[1](Paris).
  1. M. Garneau, originaire de St. Augustin près de Québec, est né en 1809. Mis à l’école à l’âge de 5 ans, des malheurs de famille firent ensuite négliger son éducation. Cependant il entra à l’âge de 14 ans au greffe des protonotaires de la cour du banc du roi comme clerc du vénérable M. Perrault, cet ami si dévoué de la jeunesse canadienne, et à 16 ans dans celui d’un notaire. Pendant sa cléricature, il se livra à des études diverses, et outre le droit, il commença à apprendre l’anglais, le latin et même l’italien. En 1831, un an après avoir été reçu notaire, il partit pour l’Europe, et à Londres il devint secrétaire de l’honorable D. B. Viger, agent du Bas-Canada auprès du gouvernement britannique, avec lequel il resta près de deux ans. Il alla deux fois à Paris où il fut présenté à plusieurs hommes célèbres dans les lettres et dans les sciences. Pendant sa résidence à Londres, il fut admis dans les rangs de la Société Littéraire des amis de la Pologne, dont Thomas Campbell, l’auteur du beau poëme anglais : The pleasure of Hope, était président, et dont formaient aussi partie le comte de Camperdown et plusieurs autres membres de la chambre des lords et de celle des communes. Il s’y lia d’amitié avec un savant polonais, le Dr Zchirma, ancien professeur de philosophie morale à l’université de Varsovie, et connut une partie des réfugiés polonais qui vinrent à Londres, le poète national de leur infortuné pays, le vieux Niemcewitz, ancien aide-de-camp de Kosciusko, le prince Czartoryski, le général Pac, etc. Il mit quelques fois la main à la rédaction de la revue, « The Polonia, » publiée à Londres sous les auspices de la Société.

    De retour dans son pays, M. Garneau se livra dans ses moments de loisir à son goût pour les lettres, chérissant dans le modeste silence du cabinet cette indépendance de l’esprit sacrifiée si souvent sur la scène politique. Il a publié dans les journaux différentes poésies dont nous allons reproduire une partie. H travaille actuellement à une histoire du Canada dont les deux premiers volumes ont déjà vu le jour et le troisième doit paraître, dit-on, cette année. Quoique cet ouvrage ait eu à subir plusieurs critiques, il a mérité à son auteur des témoignages non équivoques d’approbation d’hommes, en Canada, en France et dans les États-Unis, dont les suffrages doivent flatter son cœur. Son but dans ce livre grave est de repousser les calomnies et les assertions mensongères prodiguées contre nos compatriotes par des écrivains ignorants ou préjugés, et de rallier au culte de nos ancêtres ceux qui désespèrent de la cause sainte de la nationalité.