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LE RÉPERTOIRE NATIONAL

colinette. Votre petite femme ?

le bailli. Oui, je te donnerais mon cœur et tout ce que je possède.

colinette. Vous avez bien de la bonté.

le bailli. Je me flatte que M. Dolmont n’y mettrait point d’obstacles.

colinette. Vous vous flattez peut-être un peu légèrement.

le bailli. Pourquoi ?

colinette. Parce que M. Dolmont pourrait bien n’y pas consentir.

le bailli. Il n’y consentirait pas ?… Mais si tu y consentais toi ?

colinette. Oh ! pour cela, non, je vous assure.

le bailli. Diantre ! tu me parais bien décidée, est-ce que tu serais assez folle pour refuser la main d’un homme qui t’aimerait ?

colinette. Je serais du moins assez sage pour ne pas accepter celle d’un homme que je n’aimerais pas.

le bailli. C’est parler clairement, mais j’espère que tu deviendras moins insensible, et que tu pourras m’aimer quelque jour.

colinette. Cela pourra venir.

le bailli. Eh bien ! tâche donc que cela vienne, et considère que je suis riche, et que ce n’est pas une chose à dédaigner.

colinette, (à part.) Voici de quoi faire à Colas une histoire assez jolie.

le bailli. Tu n’ignores pas, mon enfant, que l’argent dans le ménage…

colinette, (l’interrompant.) Tenez, M. le Bailli, je ne songe point à me marier ; souffrez que je vous quitte, pour aller porter ce bouquet à M. Dolmont, avant l’arrivée des miliciens.

le bailli. Eh ! quoi, si pressée ? reste donc encore un moment ; les enrôlemens ne commencent pas si matin et nous pouvons causer encore.

colinette. Je n’en ai pas le tems. (Elle s’enfuit.)