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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Françoise s’inclina, comme si elle eût été convaincue de la vérité de ce que lui prédisait sa mère : elle prit son rosaire et invoqua son saint patron. Le jeune officier, après un moment de silence respectueux, lui demanda où elle voulait qu’il la conduisît. « Au Père Mesnard, » répondit-elle. — « Au P. Mesnard ? répartit l’officier. Le P. Mesnard est le frère de ma mère, et je me rendais chez lui, quand j’ai eu le bonheur de vous rencontrer. »

Cet officier se nommait Eugène Brunon. Il demeura quelque jours à St. Louis. Rosalie était occupée de divers devoirs religieux préparatoires à son entrée dans le couvent. Elle ne vit pas les étrangers, et elle fit des reproches à Françoise de ce qu’elle ne prenait plus part à ses actes de dévotion. Françoise apporta pour excuse qu’elle était occupée à mettre la maison en état de procurer l’hospitalité : mais lorsqu’elle fut exemptée de ce devoir, par le départ d’Eugène, elle ne sentit pas renaître son goût pour la vie religieuse. Eugène revint victorieux de l’expédition dont il avait été chargé par le gouvernement ; alors, pour la première fois, le P. Mesnard soupçonna quelque danger que le couvent St. Joseph ne perdît la religieuse qu’il lui avait destinée ; et quand il rappela à Françoise qu’il l’avait vouée à la vie monastique, elle lui déclara franchement qu’Eugène et elle s’étaient réciproquement jurés de s’épouser. Le bon Père la réprimanda, et lui représenta, dans les termes les plus forts, le péché qu’il y avait d’arracher un cœur à l’autel pour le dévouer à un amour terrestre. Mais elle lui répondit qu’elle ne pouvait être liée par des vœux qu’elle n’avait pas faits elle-même. « Oh ! mon Père, ajouta-t-elle, que Rosalie soit une religieuse et une sainte ; pour moi, je puis servir Dieu d’une autre manière. »

« Et vous pouvez être appelée à le faire, mon enfant, reprit le religieux d’un ton solennel, d’une manière que vous n’imaginez pas. » « Si c’est le cas, mon bon Père, dit la jeune fille en souriant, je suis persuadée que j’éprouverai la vertu de vos soins et de vos prières pour moi. » Ce