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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


« Chacun vous dit l’auteur des essais satiriques,
Que naguère on a lus dans les feuilles publiques.
Tous vos amis pour vous en seraient bien fâchés,
Croiraient, par-là, vous voir expier vos péchés.
Que si votre destin à rimer vous oblige,
Choisissez des sujets où rien ne nous afflige :
Des bords du Saguenay peignez-nous la hauteur,
Et de son large lit l’énorme profondeur ;
Ou du Montmorency l’admirable cascade,
Ou du Cap-Diamant l’étonnante esplanade.
Le sol du Canada, sa végétation,
Présentent un champ vaste à la description ;
Tout s’y prête à la rime, au moral, au physique,
La culture des champs, les camps, la politique.
Dites-nous, pour chanter sur un ton favori,
Les exploits d’Iberville ou de Salaberry :
Tous deux dans les combats se sont couverts de gloire ;
Ils méritent, tous deux, de vivre en la mémoire
Des vaillants Canadiens. Mais, aux travaux de Mars
Si de l’heureuse paix vous préférez les arts,
Prenez un autre ton ; dites, dans l’Assemblée,
Qui nous conviendrait mieux, de Neilson ou de Lée ;
En quoi, de ce pays la constitution
Est diverse, ou semblable à celle d’Albion ;
Qui nous procurerait le plus grand avantage,
De la tenure antique, ou du commun soccage.
Si de ces grands objets vous craignez d’approcher,
Libre à vous de choisir, libre à vous de chercher
Des sujets plus légers, des scènes plus riantes :
Décrivez et les jeux, et les fêtes bruyantes ;
Peignez les traits de Laure, ou ceux d’Amaryllis ;
Dites par quel moyen sont les champs embellis,
Les troupeaux engraissés ; comment se fait le sucre ;
Qui, du chanvre ou du bled, produit le plus grand lucre ;
Par quel art méconnu nos toiles blanchiraient ;
Par quel procédé neuf nos draps s’affineraient.
Enfin, le champ est vaste et la carrière immense »
Qu’on veuille ouïr ma réponse, ou plutôt ma défense :
Le sentier qu’on m’indique est déjà parcouru ;
Et, l’autre soir, Phébus m’est en songe apparu,
M’a tiré par l’oreille, et d’un moqueur sourire,
« Crois-tu qu’impunément l’on se permet de rire, »