S’il eut en vue un plan, risiblement l’oublie,
Pour voir battre des chats, ouïr un fol entretien.
Pendant que le musard perd son temps, la nuit vient :
À la barque arrivé trop tard pour le passage,
Par un plus long chemin il retourne au village ;
Voit toujours, trop tardif, ses projets ruinés ;
De partout se retire avec un pied de nez.
1819.
SATIRE CONTRE L’IGNORANCE.
Mon étoile, en naissant, ne m’a point fait poète :
Et je crains que du ciel l’influence secrète
Ne vienne point exprès d’un beau feu m’animer :
Mais comment résister à l’amour de rimer,
Quand cet amour provient d’une honorable cause,
Quand rimer et guérir sont une même chose ?
L’autre jour, arrivant au troisième feuillet
Contre l’Ambition, je reçois ce billet :
« Croyez-moi, cher ami, laissez-là la satire ;
Renoncez pour toujours au métier de médire.
Ainsi que vous, je vois des torts et des travers ;
Mais jamais je n’en fis le sujet de mes vers,
Et jamais je n’aurai cet étrange caprice.
Je conviens qu’il est beau de combattre le vice,
Moi-même, je tiendrais la lutte à grand honneur,
Si j’osais espérer de m’en tirer vainqueur.
Mais peut-on l’espérer ? Dans le siècle où nous sommes,
Est-ce bien par des vers qu’on corrige les hommes ?
Non, se l’imaginer serait un grand travers ;
L’homme méchant se rit de la prose et des vers :
Soyez bien convaincu qu’il est incorrigible,
Et n’ayez pas le tort de tenter l’impossible.
Croyez-vous que P…r devienne moins pervers,
Moins fourbe, moins menteur, pour avoir lu vos vers ?
Sans devenir meilleur, il en a bien lu d’autres ;
Quel effet pourrait donc avoir sur lui les vôtres ?
Tenez, ami, tenez votre esprit en repos. »
Un autre me rencontre, et me tient ce propos :