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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


La Paresse produit la triste insouciance :
Cet être, à l’air nigaud, aux regards stupéfaits,
Du présent, du futur, ne s’occupe jamais.
L’insouciant voit tout, entend tout, sans rien dire,
Et même d’un bon mot jamais il n’a su rire.
En tous temps, en tous lieux, il se tient toujours coi,
Et tout ce qu’il sait dire est : « Que m’importe, à moi ? »
Il verrait l’incendie aux coins de sa patrie ;
Ou son père, ou sa mère, ou sa femme périe ;
Les villes, les moissons, les vergers embrasés ;
La moitié des humains sous leurs toits écrasés ;
L’autre moitié criant, pleurant, mourante ou morte,
Ladre, il serait muet, ou dirait : « Que m’importe ? »
Des froids indifférents ici le nombre est grand,
Et semble, qui pis est, aller toujours croissant.
Ailleurs, l’indifférence est fruit de la détresse ;
Elle est, dans ce pays, fille de la Paresse.
Qui dit indiffèrent dit encor paresseux.
Peut-être, je devrais faire un récit affreux
Des malheurs qu’ont produits et la mère et la fille,
Et tous les alliés de la triste famille,
En tous lieux, en tous temps, et dans tous les états ;
Mais, si je commençais, je ne finirais pas :
Tant de ces maux divers la mesure est immense.
De la Paresse encor naquit la négligence,
Le tort de différer du jour au lendemain,
Ou plutôt, de remettre, et sans terme et sans fin.
Mal m’en prit à moi-même : un matois que je nomme
Courailleur, me devait une assez forte somme ;
Assez forte, s’entend, pour mon petit avoir :
Il m’offre de payer ce qu’il me peut devoir,
Instamment : moi, nigaud, dépourvu de sagesse,
Par sotte vanité, je lui dis : « Rien ne presse :
J’ai quelque chose à dire au voisin Beauverger ;
Demain, cela se peut aussi bien arranger. »
Le lendemain, assez tard dans l’après-dinée,
Je vais chez Courailleur, la mine enfarinée :
« C’est monsieur Courailleur que vous désirez voir ?
Il est sorti, monsieur ; probablement ce soir,
Vous lui pourrez parler ; » me dit la ménagère.
Je réponds : « J’attendrai ; je n’ai pas grande affaire. »
J’attendis en effet, et croquai le marmot ;