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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Il embellit la terre, et nourrit les humains,
Enrichit le pays, entretient le commerce :
Honneur donc, et profit à quiconque l’exerce.
Mais devons-nous toujours soumettre l’âme au corps ;
Négliger le dedans pour parer le dehors ;
Mettre avant l’infini le moment ? J’aime à croire
Que l’âme, après la mort, gardera la mémoire
De tout ce qu’ici-bas, l’homme connut, apprit ;
Que si, sur terre, il a cultivé son esprit,
Son esprit saura plus que si, par indolence,
Il eût, avec son corps, croupi dans l’ignorance.
Oh ! combien ce pays renferme d’ignorants,
Qu’on aurait pu compter au nombre des savants,
S’ils n’eussent un peu trop écouté la Paresse,
Et s’ils se fussent moins plongés dans la molesse !
Combien, au lieu de lire, écrire ou travailler,
Passent le temps, à rire, ou jouer, ou bâiller !
À l’exemple voisin des dix-huit républiques,[1]
Vit-on jamais ici des corps académiques ?
Privé d’un tel secours, ce qu’on apprit, enfant,
On l’oublie et le perd souvent en vieillissant ;
Surtout quand, à cet âge, étudiant par force,
On n’a pu du savoir attraper que l’écorce.
Quand se réveilleront tous nos esprits cagnards ?
Quand étudierons-nous la nature et les arts ?
La paresse nous fait mal parler notre langue :
Combien peu, débitant la plus courte harangue,
Savent garder et l’ordre et le vrai sens des mots ;
Commencer et finir chaque phrase à propos ?
Très souvent au milieu d’une phrase française,
Nous plaçons sans façon une tournure anglaise :
Presentment, indictment, impeachment, foreman,
Sheriff, writ, verdict, bïll, roast-beef, warrant, watchman.
Nous écorchons l’oreille, avec ces mots barbares,
Et rendons nos discours un peu plus que bizarres :
C’est trop souvent le cas à la chambre, au barreau.
.........................
.........................
Mais, voulez-vous entendre un langage nouveau ?
Pour croître, entretenir, préserver l’ignorance,

  1. À l’époque de la composition de cette satire l’Union Américaine ne
    comprenait que dix-huit États. — Note de l’auteur.