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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Mais c’est tout le contraire, alors qu’on en abuse.
Tel peut, pour sa santé, dormir toute la nuit ;
Mais qui dort en plein jour et s’abuse et se nuit,
Fait tort à son pays, fait tort à sa famille ;
Et Sommeur ferait mieux rester dans sa coquille,
Qu’à midi, se montrer, en se frottant les yeux,
Semblant ne savoir pas combien font deux fois deux.
Son voisin s’enrichit, tandis qu’il se repose ;
De son peu de succès sa caguardise est cause.
D’où vient, jusqu’à présent, voit-on languir Dormard ?
C’est que journellement il se lève trop tard.
« Pourquoi ne pas dormir, lorsqu’on n’a rien à faire ? »
C’est là du fainéant le prétexte ordinaire.
« C’est pour passer le temps. » Non, c’est pour le tuer.
À savoir l’employer il faut s’habituer.
Le temps passe assez vite ; écoutez tout le monde :
« Qu’est-ce le temps, » dit-on ? « une vapeur, une onde,
Qui s’écoule, et qu’on voit disparaître à l’instant ;
L’éclair, qui naît et meurt, presque au même moment,
Et dont à peine on a pu sentir la présence. »
Par la bonté des Dieux, la terre en abondance
Pour le besoin de l’homme, ou son plaisir, produit
Mainte herbe, mainte fleur, mainte plante, maint fruit :
Sans offenser le Ciel on peut en faire usage ;
S’en priver volontiers même serait peu sage ;
Car il faut distinguer l’usage de l’abus,
Et les plaisirs permis, des plaisirs défendus :
Bien user, c’est sagesse ; abuser, c’est folie.
Malheur au siècle où naît un perfide génie,
Qui du système humain changeant l’ordre et la loi,
Des dons de la nature intervertit l’emploi ;
Sur un dépôt sacré porte une main coupable,
Ou donne au genre humain un conseil exécrable.
L’un de la canne à sucre a fait couler le rhum ;
Un autre du pavot a tiré l’opium :
L’un ou l’autre poison, en produisant l’ivresse,
Ou fait naître, ou nourrit, ou mûrit la paresse.
L’opium engourdit le Turc et le Persan,
Le Tartare et l’Indou, l’Arabe et le Birman.
Le rhum, en nos climats, fait d’horribles ravages,
Et, sous tous les rapports, cause d’affreux dommages :
Que de jeunes gens morts, pour en avoir trop pris !