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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.



« Que vois-je ? vous riez ! mais ce n’est pas pour rire
Que ce malin esprit me tance et me déchire.
C’est bien à ce méchant qu’il faudrait du bâton :
! Que peut lui importer que je sois chiche ou non ?
Parbleu ! que ne m’est-il donné de le connaître !
Que ne puis-je, à l’instant, le voir ici paraître !
Que j’aurais de plaisir à le bien flageller !…
— Peut-être ce n’est pas de vous qu’il veut parler.
— Si ce n’est pas de moi, c’est d’un qui me ressemble.
— Dans ce cas, mon ami, c’est de vous deux ensemble. »
L’on voit que ma satire a fait un peu de bruit :
Oh ! puisse-t-elle aussi produire un peu de fruit !
Il est temps d’en venir à ma seconde épître :
Celle-ci roulera sur un autre chapitre ;
Chapitre sérieux, et peu fait pour les vers ;
Mais je dois attaquer tous-les vices divers.
On a beaucoup écrit et parlé de l’envie :
Mais dans tous ses replis l’-a-t-on jamais suivie ?
L’envie est un poison, a-t-on dit, dangereux,
Car l’arbre qui le porte est un bois vénéneux.
L’homme envieux ressemble au reptile, à l’insecte ;
Car tout ce qu’il atteint de son souffle, il l’infecte :
Mais cet homme souvent fait son propre malheur,
Comme, en voulant tuer, souvent l’insecte meurt.
L’envie est fort commune au pays où nous sommes ;
Elle attaque et poursuit très souvent nos grands hommes :
Nos grands hommes ! tu ris, orgueilleux Chérisoi,
Qui crois qu’il n’est ici nul grand homme que toi,
Ou plutôt, qui voudrais qu’on t’y crût seul habile :
Croyance ridicule et désir inutile.
On porte envie au bien, on porte envie au rang ;
Assez souvent l’envie a méconnu le sang ;
Elle règne souvent dans la même famille,
Et la mère, parfois, porte envie à sa fille.
Je sais, à ce sujet, un fait assez plaisant ;
Ce fait-là ne fut point forgé par Lahontan :[1]
Sans aller consulter un auteur qui radote,
Je trouve au Canada mainte et mainte anecdote.

  1. Militaire et voyageur, qui a écrit des lettres sur le Canada, et qui ne
    jouit pas de la meilleure réputation de véracité. On fait particulièrement
    allusion ici à ce qu’il a dit des Dames de Montréal. — Note de l’auteur.