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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


« Armez-vous d’une verge, ou plutôt d’un grand fouet,
Et criez, en frappant, haro sur le baudet. »

Oui, oui, je vais m’armer du fouet de la satire.
Quand c’est pour corriger, qui défend de médire ?
Doit-on laisser en paix le calomniateur,
Le ladre, le trigaud, l’envieux, l’imposteur,
Quiconque de l’honneur et se joue et se moque ?
Que n’ai-je, en ce moment, la verve d’Archiloque !
Mais qu’importe cela, puisque je suis en train.
Si je ne suis Boileau, je serai Chapelain.
Pourvu que ferme et fort je bâtonne, je fouette,
En dépit d’Apollon je veux être poète ;
En dépit de Minerve, en dépit des neuf sœurs ;
Les muses ne sont rien, quand il s’agit de mœurs.
Si je ne m’assieds point au sommet du Parnasse,
À côté de Reignier, et de Pope et d’Horace,
Je grimperai tout seul sur un de nos coteaux.
Là, sans gêne, sans peur, sans maîtres, sans rivaux,
Je pourrai hardiment attaquer l’avarice,
La vanité, l’orgueil, la fourbe, l’injustice,
La ruse, le mensonge, ou plutôt le menteur,
Et l’oppresseur barbare, et le vil séducteur.
À tous les vicieux je déclare la guerre,
Dès ce jour, dès cette heure. « Ami, qu’allez-vous faire ? »
Me dira quelque ami. « De tous les vicieux
« Vous rendre l’ennemi ! craignez, c’est sérieux :
Ah ! si vous m’en croyez, redoutez leur vengeance :
Peut-être vous pourriez… » — Je sais que leur engeance,
À la peau délicate, est fort sensible aux coups,
Se dresse de dépit, et s’enfle de courroux.
Eh bien ! je leur verrai faire force grimaces ;
Puis après je rirai de toutes leurs menaces :
Leur colère ressemble à celle du serpent,
Qui menace de loin, et se sauve en rampant.
Allons, point de quartier, commençons par l’avare :
Cet homme, comme on sait, parmi nous n’est pas rare.
Du Golfe de Gaspé, jusqu’au Coteau du Lac ;
Du fond de Beauharnois jusque vers Tadoussac,
Traversez, descendez, ou remontez le fleuve,
En vingt et cent façons, vous en aurez la preuve.
Voyez cet homme pâle, et maigre et décharné ;
De tous nos bons bourgeois c’est le plus fortuné :