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mari a résolu de me vendre pour pouvoir vivre ; mais je ne puis oublier les bontés qu’il a eues pour moi, et toute la journée je pense aux bienfaits dont il m’a comblée ; un jour, peut-être, ma douleur se calmera, et je pourrai m’habituer à servir un autre homme ; mais permettez-moi de me livrer à mon chagrin. Koung en eut compassion et ne voulut pas être cause de son malheur ; dès le lendemain matin il la reconduisit à son mari, et non-seulement il ne voulut pas reprendre le prix qu’il avait payé, mais il leur fit encore présent de cent taels pour les aider à vivre. Le mari et la femme se jetèrent à ses pieds en versant des larmes de reconnaissance ; et en acceptant ses dons, ils résolurent de lui chercher une jeune fille qui pût lui rendre le fils qu’il avait perdu. En passant par Yang-tcheou ils virent plusieurs hommes qui menaient un jeune garçon pour le vendre ; en le voyant, le mari dit en lui-même : nous n’avons pas encore trouvé de jeune fille comme nous en cherchons une, pourquoi n’achèterions-nous pas ce jeune homme pour en faire présent à notre bienfaiteur ? Il s’informa donc du prix qu’on en voulait avoir : on lui répondit qu’on le vendrait à un tael par chaque année de son âge ; il avait douze ans, cela fit douze taels que le mari paya ; ensuite ils allèrent conduire le jeune homme à Youan-koung. Celui-ci le regarda attentivement et reconnut son fils ; le père et le fils s’embrassèrent tendrement en pleurant, et leurs larmes furent bientôt suivies