Page:Rémusat - Le Livre des récompenses et des peines.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Suivant sa coutume, le glossateur rapporte ici quelques historiettes pour prouver l’importance qu’on doit mettre à cet amour universel, qui s’étend même aux plus vils animaux. Il y avait dans la ville de Tchang-tcheou un homme appelé Young-tcheou. Tous les matins, au lever de l’aurore, il allait avec un balai sur les bords de la rivière ; il faisait rentrer les limaçons dans leurs trous, et chassait les poissons au fond de l’eau, de peur que les pêcheurs ne vinssent les prendre. Souvent la faim ne l’empêchait pas de faire ainsi plusieurs li. Par la suite, son petit-fils vit en songe un esprit qui lui dit : Ton aïeul a pris soin de conserver tous les êtres vivans. C’est un très-grand mérite, et tu en recevras la récompense : tu entreras dans le collége des Han-lin de première classe. Non-seulement cette promesse fut effectuée, mais ce même petit-fils devint grand historien de la dynastie des Han.

Deux habitans de la ville de Hoeï-ki, l’un nommé Thao-chi-liang, et l’autre Tchhang-tchi-thing, passaient ensemble devant le temple de la grande bonté (Ta chen sse). Ils virent devant la boutique d’un traiteur un grand nombre de ces petites anguilles qui se trouvent dans la vase et qu’on nomme Chen-iu ; il y en avait plusieurs milliers. Thao[1] eut envie de les acheter

  1. C’est l’usage dans les narrations de rapporter d’abord le nom entier d’un personnage, et d’adopter dans la suite de l’histoire une partie de ce nom pour le désigner. On choisit ordinairement la première syllabe qui forme le nom de famille.