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que rien n’existe absolument que la sensation, de même qu’il manque une substance aux corps, un support aux propriétés du moi, une cause nécessaire au monde ; il manque un fondement extérieur à la morale, il lui manque aussi son absolu elle est sans loi. Il faudra, comme tout le resté, qu’elle soit relative à nos impressions. Nous ne devrons donc pas nous étonner si le sentiment des inconvénients et des avantages de nos actions est érigé en règle de moralité, si le juste et l’injuste ne paraissent prendre naissance qu’avec les conventions sociales, si nos droits égaux a nos besoins et nos devoirs réglés par nos moyens sont ramenés à n’a voir pour origine que notre Vacuité de vouloir, déterminée elle-même nécessairement par les mouvements antérieurs de nos organes, c’est-à-dire fatale comme la sensation et variable comme elle[1]. Mais il suffit d’indiquer cette conséquence.

Une dernière réflexion cependant. Les mauvais systèmes de philosophie n’ont de conséquences funestes que pour ceux qui les accueillent par goût, non pour ceux qui les trouvent par l’étude ; ils nuisent à la société, non à leur auteur. Épicure n’est pas épicurien, et la vie du sage est une protestation constante contre les erreurs de sa pensée. Rousseau disait éloquemment à Helvétius : « Ton génie dépose contre tes principes, ton cœur bienfaisant dément ta doctrine, et l’abus même de tes facultés prouve leur excellence en dépit de toi. »

  1. Idéologie, ch. XIII. — Logique, ch. IV. — Traité de la volonté, introduction.