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[1] tait à son fils aîné lui inspira des soins particuliers, auxquels celui-ci répondit par délà toute espérance. Il annonçait des dispositions brillantes. Dans cette vieille Armorique qui passait pour devoir son nom de Bretagne à la brutalité de ses habitants, on remarquait dès lors une singulière aptitude aux choses qui demandent la subtilité de l’esprit, et le jeune Pierre tenait du lieu natal, ou plutôt de sa race, une remarquable facilité[2]. Ses progrès furent bientôt tels qu’il s’éprit d’une passion vive pour l’étude, et, dans son ardeur, il résolut de se consacrer aux lettres tout entier. Renonçant à la gloire militaire,

  1. D. Lobineau, t. 1, l. III, p. 106-107; l. IX, p. 208; l. XIX, p. 651, 1143, 1162 et 1235. - Abail. et Hél., par Turlot, p. 143. - Voy. pitt. de Clisson, par Thienon, pl. ii et iii. - Notice sur Clisson, in-18, Nantes, 1841, p. 7. - Renseignements manuscrits transmis par M. Chaper, préfet de la Loire-Inférieure, et par MM. de la Jarriette et Demangeat, de Nantes.)
  2. C’est Abélard qui dit que Breton vient de brute. "Brito dictus est quasi "brutus. Licet enim non omnes vel soli sint stolidi, hoc (sic) tamen qui nomen Britonis composuit secundum affinitatem nominis bruti, in intentione habuit quod maxima pars Britonum fatua esset." Et on lit, en effet, dans le roman de Brut, que Brutus Apela de Bruto Bretons Les Troyens ses compaignons. (V. 1211 et 1212.) Il s’agit, il est vrai, de la Grande-Bretagne, mais elle donna son nom à l’Armorique. Les savants pensent que le nom de Bretona vient de Vresonse ou Brasonce, les peints, les tatoués, comme les Pictes de l’Angleterre. Cependant l’esprit pénétrant des clercs bretons est attesté par Othon de Frisingen, mais il veut qu’en toute autre chose que les arts (la rhétorique et la dialectique), les Bretons soient presque stupides. C’est en faisant allusion à cette subtilité particulière qu’Abélard dit de lui-même : "Natura terra meae vel generis animo levis". Car je crois qu’ici animo levis signifie le défaut breton. (Ouvr. inéd. d’Ab. Dialectic, p. 222 et 591. - De Gest. frid. I imper., l. I, c. XLVII. - Ab. Op., ep. 1, p. 4.)