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maux affreux du fanatisme, vous arracherez à la malveillance un de ses plus terribles moyens , vous compatirez aux erreurs inséparables de l’humanité , aux faiblesse de quelques àmes incertaines et timides , sans qu’il puisse en résulter aucun danger pour votre organisation sociale ; ainsi vous consommerez avec certitude la révolution commencée par la philosophie ; ainsi vous dirigerez , et sans aucune secousse violente , les hommes que vous êtes appelés à gouverner , dans le sentier de la raison . Ce sera par l’influence et par l’action de celleci que vous anéantirez toutes les erreurs ; et , semblables à la nature , qui ne compte pas avec le temps , mais qui mûrit avec lenteur et persévérance les trésors dont elle doit en ichir le monde , vous préparerez constamment , et par la sagesse de vos lois, le seul règne de la philosophie , le seul empire de la morale.

Bientôt on ne connaîtra que pour les mépriser , ccs dogmes absurdes, enfants de l’erreur et de la crainte , dontl’influence sur l’espèce humaine a été si constamment nuisible. Bientôt les hommes ne seront guidés que par le seul attrait de la vérité ; ils seront bons, parce qu’ils seront heureux , et heureux parce qu’ils seront libres.

Bientôt la religion de Socrate , de Marc -Aurèle et de Cicéron sera la religion du monde, et vous aurez la gloire d’avoir eu à cet égard l’initiative de la sagesse . Vos fêtes nationales , vos instructions républicaines sauront embellir et mettre en action les préceptes sacrés de cette morale que vous voulez graver dans le cœur des hommes. Mais plus cette religion politique doit être bienfaisante et douce, plus vous devez éviter de la souiller d’avance par des persécutions et par des injustices.

Ecoutez la voix de la raison elle vous dira que c’est au temps seul , à l’accroissement des lumières , aux progrès de l’esprit humain , que vous devez laisser le soin d’anéantir toutes les erreurs , de respecter votre sublime ouvrage , et d’amener l’espèce humaine à ce perfectionnement préparé par vos institutions mêmes .

Ce rapport est fréquemment interrompu par les plus vifs applaudissements.

Boissy lit un projet de décret.

PENIÈRES Il n’est personne de nous qui ne sente l’importance de ce projet de décret. Tout le monde a réfléchi sur celle matière , tout le monde sait qu’on ne peut prescrire à l’homme l’objet de son culte ; celui -ci adorera le so leil , celui-ci la lune , un autre un oignon ; chacun a le droit de choisir l’objet de sa vénération. Ainsi il suffira de mettre le projet de décret aux voix article par article , et je suis persuadé qu’il n’y aura que très-peu de diflicultés. CHENIER : Il m’a paru que tous les articles de ce projet étaient conformes aux principes, et je suis persuadé que je serai de l’avis des comités. Mais je pense que sur une matière pareille il ne faut pas donner lieu aux malveillants de calomnier la Convention , en décrétant par enthousiasme. Je demande l’ajournement , persuadé que je suis que dans la lutte , s’il s’en engage une , les principes de la philosophie l’emporteront sur les préjugés. Mais il ne faut pas qu’on puisse dire que vous avez fermé la bouche à ceux qui, dans la Convention , ont eu une opinion contraire à celle des comités. Songez que , lors des révolutions d’Angleterre, ce sont toujours les matières religieuses qui ont donné le signal de la guerre civile , et que les différents partis ont toujours dit qu’on leur avait fermé la bouche. Sivousn’ouvrez pas la tribune à ceux qui voudront parler, il circulera dans le public des écrits qui feront d’autant plus d’effet que vous n’aurez pas voulu les entendre. Je ne crains pas la voix des préjugés , il sera extrêmement facile de leur répondre ; et c’est parce que je le crois que je désire qu’on entende les objections. Je demande l’impression et l’ajournement à trois jours.

CAMBON : S’il était question de poser un principe, sans doute il faudrait imprimer le rapport et ajourner la discussion, afin qu’on pût avoir le temps de méditer ; mais le comité ne propose ici que de simples moyens d’exécution . (Applaudissements . ) La déclaration des Droits et la consti tution ont établi la liberté des cultes ; elles ont dit que nul ne pouvait être troublé pour ses opinions religieuses, c’est donc une loi organique de la constitution qu’on nous propose aujourd’hui. Applaudissements.) Il serait peut-être bou de rappeler dans le considérant de cette loi les articles de la Déclaration des Droits et de la constitution qui établissent le principe auquel elle sert de développement. Vous avez déjà décrété , le 2 des sansculottides , qu’aucun culte ne serait salarié ; il serait bon de rappeler aussi cette loi , car les prêtres n’oublient jamais de demander de l’argent. ( On rit. ) Je demande que le projet soit mis aus voix article par article.

LAPORTE : Je crois que si l’ajournement n’était pas court, il pourrait produire un très- mauvais effet. Lorsque j’e ais membre du comité de sûreté générale , je me rappelle que chaque jour nous recevions des lettres de toutes les administrations de la république , qui nous faisaient part de l’embarras où elles se trouvaient relativement aux cultes , et nous demandaient quelle conduite elles devaient tenir. Il ne faut pas plus longtemps laisser l’opinion publique incertaine ; il faut donner à ceux qui sout chargés d’exercer la police une bonne loi qui leur serve de boussole , qui leur facilite les moyens de réprimer les écarts de ceux qui ne sont pas éclairés , et d’empêcher qu’aucun culte n’empiète sur un autre . Je demande qu’il soit fait une seconde lecture du projet de décret.

CAMBON Je crains d’avoir été mal compris. Jamais il n’est entré dans ma pensée de faire rapporter la loi du 2o jour des sansculottides , qui accorde des secours aux exprêtres :

elle intéresse trop la tranquillité publique ; et lors

que je l’ai rappelée , c’etait seulement pour qu’on ne lui donnât pas une fausse interprétation. Je désirerais qu’après avoir ajouté dans le considérant les deux réflexions que j’ai faites, on dit aussi que les églises et les presbytères seront vendus.

Plusieurs voix : Cette disposition doit faire une loi à part.

Le rapporteur lit les articles ; ils sont successivement adoptes.

Il s’élève une légère discussion sur l’art. VIII. BOISSIEUX : En interdisant aux communes la liberté d’ac quérir ou de louer un local pour l’exercice d’un culte, vous tombez dans l’inconvénient contraire , celui de le faire louer ou acheter par des corporations.

BERLIER : Boissieux n’entend pas bien l’article , car il a précisément pour but d’empêcher l’existence d’aucunes corporations et surtout de corporations religieuses. Si une commune pouvait acquérir ou louer un local pour l’exercice d’un culte , il en résulterait qu’elle pourrait aussi imposer une taxe pour le même objet .

ALBITTE Je demande qu’on mette dans l’article ces mots et sections de communes.

GARRAN : C’est inutile. Les communes ne sont divisées en sctions que pour les opérations qui leur sont confiées par la loi ; mais dès qu’elles sortent des bornes que la loi leur a prescrites , elles ne peuvent plus faire aucun acte. GÉNISSIEUX : Il vaut mieux ajouter un mot inutile , qui lèvera tous les doutes , que d’omettre un mot qui donnerait lieu à des difficultés.

L’assemblée adopte l’amendement d’Albitte , ainsi que les deux précédemment faits par Cambon. Le décret est rendu ainsi qu’il suit :


La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sureté générale et de législation, réunis, décrète :

Art. Ier Conformément à l'article VII de la déclaration des droits de l'homme, et à l'article CXXII de la constitution, l'exercice d'aucun culte ne peut être troublé.

II. La République n'en salarie aucun.

III. Elle ne fournit aucun local ni pour l'exercice du culte, ni pour le logement des ministres.