des traces d’esprit. Il leur plaisait par une sorte de bouffonnerie naturelle qui faisait rire aux larmes Mme du Fresnay. M. de Mausseuil venait donc là quelquefois. C’était même à peu près la seule maison et les seuls gens de son rang qu’il fréquentât, chassé de partout et relégué aux cabarets, le plus souvent même seul en face de sa bouteille, car on avait fini par craindre son ivresse querelleuse et par faire le vide autour de lui.
Il soupait quelquefois avec M. et Mme du Fresnay qui, après table, se mettaient l’un à son violon, l’autre à son clavecin, Mausseuil assis en quelque coin du salon. Ce rustre aimait fort la musique et la sentait vivement. Il marquait la mesure du talon, fredonnait le motif de sa voix éraillée, puis, mis en verve, finissait par se lever avec agitation et enthousiasme, tandis que les deux musiciens, de connivence, transformaient peu à peu le concert et en hâtaient le mouvement de telle sorte que, commencé en arioso, il dégénérait en sarabande et que Mausseuil se prenait à gambader, à pirouetter et à leur fournir la comédie d’une danse improvisée qui les réjouissait infiniment.
Un soir que, seuls à leurs instruments, ils en jouaient pour s’en donner le plaisir réciproque, comme souvent ils avaient coutume de le faire, ils virent, la porte poussée brusquement, entrer un Mausseuil hagard, débraillé, les genoux terreux et sans chapeau, qui accourait d’une traite au Fresnay raconter à ses amis ce qui venait d’avoir lieu sous les fenêtres de sa femme. Il sanglotait et hoquetait. M. et Mme du Fresnay, effarés de l’énergumène,