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LA DOUBLE MAÎTRESSE

La livrée et la bouche étaient deux dépenses auxquelles elle consentit par condescendance, mais qu’elle n’aima point ; aussi, une fois veuve et libre d’agir à son gré, y mit-elle promptement fin. Elle congédia les marmitons et les valets et ne garda auprès d’elle que le nécessaire pour ouvrir la porte et tourner la broche.

Des nombreuses chambrières attachées à sa personne, elle ne conserva, pour son service particulier, que les deux plus âgées qui suffisaient amplement à l’entretien de sa lingerie et au soin de sa garde-robe, et encore, le plus souvent, se passait-elle de leur aide, préférant s’habiller, se coiffer et se recoudre elle-même, ce qu’elle n’eût certes point risqué de faire, au temps de M. de Galandot qui détestait même les menus ouvrages auxquels se distraient d’ordinaire les femmes et dont il ne souffrait guère que la sienne s’occupât.

La simple vue d’une aiguille ou d’un dé l’agaçait. Il aimait qu’on fût oisif et qu’on passât des heures assis, l’un devant l’autre, en de larges fauteuils, bien parés, et à discourir de la pluie ou du beau temps.

Il n’avait guère de goût que pour le jeu, moins ceux de cartes que tels autres, non les échecs par exemple dont la difficulté le fatiguait vite, mais les jonchets, qui le divertissaient infiniment. De sa belle main grasse sortant des dentelles de la manchette, il débrouillait l’enchevêtrement capricieux des petites figures taillées dans l’os ou l’ivoire et mettait à cette tactique une patience et une dextérité remarquables. Hors ce passe-temps