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de certitude communicative. Il possédait la chronique de la rue et du palais, les affaires de l’État et de la Religion, les ressorts des ambitions, les artifices des intrigues, le détail des amours et des passions, la raison des événements, les causes des catastrophes publiques aussi bien que privées.

Cozzoli ne tarissait pas. M. de Galandot écoutait cette fontaine de paroles comme il écoutait, en ses promenades lointaines, le bruit incertain des fontaines d’eau. Il y prenait une idée confuse et mouvante de tout ce qui se passe continuellement chez les hommes, des aventures innombrables, grandes ou petites, qui diversifient les destinées, les animent de leur imprévu et y font succéder les alternatives incessantes qui composent la vie. Pendant que Cozzoli parlait, les mannequins paraissaient l’approuver silencieusement comme s’ils eussent été les héros de ce que racontait l’avorton et M. de Galandot, les yeux grands ouverts, le menton au bec de sa canne, écoutait sans se lasser tant de choses singulières, curieuses ou surprenantes, pour lesquelles vraiment il eût été si peu fait.

M. de Galandot avait été très spécialement et très évidemment mis au monde pour qu’il ne lui arrivât rien. Il avait eu en lui, de tout temps, juste de quoi suffire aux circonstances les plus ordinaires, les plus communes et les plus succinctes de la vie. Il était fait pour en suivre la pente doucement inclinée, d’un bout à l’autre, sans accroc ni faux pas ; mais il se trouvait peu propre à en éviter les pièges et à en franchir les crevasses. La Providence, si l’on peut appeler de ce nom la puissance