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322 PREMIERS POÈMES D’autres portent un peu de cendre dans une urne
Et toi le chef qui saigne à tes petites mains
Et pourpre tes pieds nus de marcheuse nocturne
Qui sait l'aurore lente aux hauteurs de chemins.


Pour quel amour, ô toi qui n’es pas Eurydice,
Faut-il que ta fatigue chancelle à jamais
Et que ton bras d’enfant se crispe et se roidisse
A tenir à plein poing la tète aux yeux fermés ?


Dépose ton fardeau sacré, petite Epouse ;
Le funèbre tribut de tes amers sanglots
Ne vaincra pas la tombe exécrable, ô Jalouse !
Nulle aurore nt’ peut réjouir les yeux clos.


Etrangère à ce deuil pour qui ton âme assume
Le rite dû qu’une Autre refuse à la mort,
Veuve par la vertu de ton amour posthume.
Regarde là mourir l’orphique songe d’or.


Baise la bouche morte et les paupières lourdes
Pour qui rien n’est plus rien de la Terre et des Cieux.
Parle, o Inconsolable, à ces oreilles sourdes
Qui comprenaient la voix des asti-es et des dieux.