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resté de vous que cette image charmante, trésor de mon souvenir et dont j’étais libre de disposer à mon gré dans mes songes ! Votre beauté sans défense n’aurait-elle pas été ainsi le plaisir docile de mes nuits ? Couchée nue à mes côtés, elle eût obéi à mes caprices, car rien ne défend les femmes contre les songes des hommes. Elles doivent subir des amants inconnus et inévitables, auxquels elles ne peuvent pas refuser leurs faveurs imaginaires. Pourquoi ne pas agir comme eux, madame ? mais je vous avoue que je trouve une sorte de lâcheté à abuser ainsi même d’une ombre aimée, car je vous aime, madame, et ce que je désire de vous n’est pas un vain fantôme. C’est vous-même, c’est ce corps charmant et ce visage délicieux, faits pour le plaisir et l’amour.

La fontaine murmurait doucement parmi les arbres immobiles pendant que M. de Bréot parlait ainsi. Quand il se fut tu, madame de Blionne resta un moment silencieuse.

– L’amour, monsieur, – dit enfin madame de Blionne d’une voix qu’elle voulait rendre assurée, – mais qui vous dit que je veuille aimer à la façon dont vous l’entendez ? Ah ! vous êtes tous les mêmes, et les hommes ne se doutent pas de ce qu’ont d’offensant