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M. de Bréot était toujours M. de Bréot, pour lui-même comme pour les autres. Il pensait les mêmes choses qu’auparavant et n’en faisait guère de différentes. Il est vrai, pourtant, qu’il se mêlait en plus à ses pensées le souvenir de quelques personnages assez singuliers et qui valaient bien la peine, après tout, d’avoir quitté sa province pour la curiosité de leur connaissance et l’agrément de leur compagnie.

Entre ces figures, la première qui se présentait à l’esprit de M. de Bréot était celle de M. Floreau de Bercaillé. Il revoyait le détail de sa rencontre avec lui : la tonnelle où le vent d’avril agitait les feuilles nouvellement vertes, la couleur du vin dans les verres, la table boiteuse et le visage même de M. Floreau de Bercaillé, avec son grand nez, son poil roux, ses sourcils rejoints, ses yeux vairons, sa large bouche éloquente et bachique. Les souvenirs de M. de Bréot commençaient toujours à cette auberge pamprée du pont de Valvins. Ils ne s’en tenaient pas là et suivaient M. de Bercaillé de cabaret en cabaret. M. de Bréot l’y admirait dans la fumée du tabac et le tumulte des blasphèmes, puis, bientôt, de ce nuage et de ce fracas, sortait un autre Bercaillé, la mine longue et les yeux