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M. de La Bégissière avait cessé de parler. Il grattait à son talon nu et calleux la place de l’épine qu’il en venait d’enlever. M. Le Varlon de Verrigny, après avoir soupiré plus profondément encore que tout à l’heure, finit par dire à M. de La Bégissière :

– Hélas, monsieur, puisque vous m’interrogez, je ne vous cacherai rien de mon état et j’aurai, à le dépeindre tel qu’il est, quelque consolation. Vous y verrez le tableau d’un homme qui a pensé faire pour le mieux et qui ne s’en trouve pas aussi bien qu’on le pourrait croire et qu’il l’a cru lui-même, car c’est un malheureux qui vous parle et que vous allez entendre vous conter le plus singulier retournement qui se puisse être. Ah, monsieur…

M. de La Bégissière laissa son talon et mit la main derrière son oreille, car il était un peu sourd, et M. Le Varlon commença en ces termes :

– Dieu, monsieur, nous fait naître comme il veut et nous n’avons rien à lui reprocher de ce qu’il lui convient que nous soyons, mais il arrive qu’il place en nous plusieurs instincts assez divers pour se combattre et s’équilibrer les uns les autres, ce qui fait que nous demeurons assez longtemps incertains de nous-mêmes et sans savoir exactement