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les uns des autres que selon que j’avais aperçu madame la duchesse de Grigny ou que j’avais été privé de ce bonheur. Tout le reste ne formait qu’un espace confus où j’agissais par habitude, sans songer à ce que je faisais. Un pareil état aurait pu durer indéfiniment. Tout un hiver, posté où je vous ai dit, rien ne me rebuta dans cette étrange folie, ni les boues, ni les glaces, ni la neige. Il fallait toute la force de ma santé pour que je ne laissasse pas mes os dans ces attentes qui en gelaient les moelles et où je m’obstinais sans que rien m’en pût détourner.

» J’avais fini par remarquer que depuis plusieurs semaines madame la duchesse sortait le plus souvent seule dans son carrosse. La beauté de son visage était toujours pareille, mais l’air en avait je ne sais quoi de différent. Ce n’était plus ce maintien timide et modeste par où elle paraissait si charmante. À présent, ses yeux se levaient et regardaient autour d’eux avec quelque hauteur et de la hardiesse. Je ne cherchais pas à interpréter ce changement et je me contentais d’en admirer la nouveauté, quand j’en appris par hasard la raison, et d’une manière qui mérite d’être rapportée.

» Monsieur Pucelard, mon maître, fut appelé, un