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mes pieds, juste à temps pour ne pas entraver de mon corps étendu le promeneur en face de qui je me trouvai tout à coup et que ma présence soudaine fit reculer, comme si elle l’eût troublé tout autant que la sienne m’avait causé de surprise. L’importun était un petit homme assez gros, vêtu de noir, et qui tenait à la main une flûte. Ma taille le rassura et il s’enquit aussitôt, avec beaucoup de politesse, de ce que je faisais, à cette heure, dans ce lieu abandonné. Quant à lui, il y venait souvent jouer de la flûte au clair de lune et y méditer son art au silence de la nuit. Il appréciait mieux là qu’ailleurs la justesse de son souffle… Ayant ainsi parlé, il s’assit sans façon dans l’herbe et fit chanter son bois. Je sentis de nouveau des larmes emplir mes yeux. Il remarqua mes soupirs et, s’interrompant, m’en demanda la raison. Je lui dis qu’ils n’en avaient pas d’autres que le son de la flûte. Il parut fort content de ma réponse et me posa plusieurs questions ; après quoi, il voulut savoir mon nom, mon âge et mes parents et s’il me serait agréable d’apprendre à jouer comme lui des airs. Il ajouta qu’il avait justement besoin d’un apprenti ; qu’il participait à une compagnie de musiciens qui donnaient