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LA FILEUSE


Fileuse ! L’ombre est tiède et bleuâtre. Une abeille
Bourdonne sourdement dans le jour qui s’endort,
Et ton rouet se mêle à cette rumeur d’or
Ailé qui peu à peu s’engourdit et sommeille.

Il est tard. C’est le soir. Le raisin à la treille
Pend et sa grappe est mûre à l’essaim qui la mord,
Mais, pour la vendanger demain, il faut encor,
Avant que vienne l’aube et que le coq s’éveille,

Que j’aie en cette argile obéissante et douce
Arrondi de la paume et façonné du pouce
Cette amphore qui s’enfle entre mes mains obscures,

Tandis que mon labeur écoute autour de lui
Ton rouet imiter de son rauque murmure
Quelque guêpe invisible éparse dans la nuit.