Et nul, sous le marteau dont la forge résonne,
Humblement, d’une main pieuse, ne façonne,
Dans l’argent malléable ou dans l’or souverain,
La face fabuleuse ou le profil divin.
Pourquoi n’as-tu donc pas, comme les autres hommes,
Oublieux, oublié les noms dont on nous nomme ?
Pourquoi nous cherches-tu toujours, cher obstiné,
Toujours, sur notre trace invisible, acharné ?
Ne saurais-tu sans nous trouver la terre belle
Et fertile ? L’est-elle moins sans que Cybèle
La parcoure, ô pieux Ami ? Toute la Mer
Ne chante-t-elle plus d’un flot toujours amer
Sa plainte langoureuse et sa sonore joie
Sans qu’à travers le vent qui l’apporte tu croies
Entendre en sa rumeur t’appeler à leurs bras
Les Sirènes ? Que veux-tu donc ? N’es-tu donc pas
Heureux que le troupeau tout entier t’appartienne
Sans avoir à livrer aux Déesses Gardiennes
Ta plus blanche génisse ou ton plus noir bélier ?
Est-ce trop pour toi seul des fruits de l’espalier,
Du champ et du jardin, de l’arbre et de la vigne
Sans qu’un devoir secret à l’offrande désigne
La grappe la plus lourde et le plus lourd épi ?
Ne sentirais-tu donc ni regret, ni dépit
A verser sur l’autel pour qu’un Dieu s’en honore
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