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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


La fontaine où tu bois mire sa face inverse,
L’écho où tu parlais répète ce qu’il dit,
Et l’âtre où tu séchas les gouttes de l’averse
Offre sa cendre tiède à son pied refroidi.

La porte que ta clef entr’ouvre et que tu pousses
Laisse entrer avec toi cet hôte inaperçu ;
À l’angle où l’araignée ourdit ses toiles douces,
Le Passé tisse auprès la sienne à ton insu.

À son double rouet qui file l’aube et l’ombre
Il travaille sans cesse et ne s’est pas lassé ;
Il a mêlé son fil sournois aux fils sans nombre,
Et l’habit que tu vêts est fait de ton passé.

Il dort dans ton sommeil et songe dans les rêves,
Il se lève à l’aurore et te suit jusqu’au soir,
Le long de la forêt, du fleuve ou de la grève ;
Un jour, il te tendra son magique miroir.

Lui qui fut si longtemps invisible à ta vie,
Deviendra le passant que l’on n’évite pas
Va, du fond du cristal de la glace ternie,
Tu te verras venir, tous les deux, pas à pas ;