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LES ROSEAUX DE LA FLUTE



Le grand Cheval ailé dormait dans l’ombre bleue.
Parfois, il caressait les herbes, de sa queue
Éparse, et je touchai, lentement, en silence,
Sa croupe nue avec la pointe de ma lance.
Et le monstre couché se leva et hennit
Vers l’orient ; et je l’enfourchai et lui dis :
Viens, c’est l’aube déjà et bientôt c’est l’aurore ;
Je sais le sentier calme et la route sonore
Où cède l’herbe longue et roule le caillou ;
Partons, Le clair soleil séchera ton poil roux ;
Je sais la grève, et les chemins, et le bois noir
Et la fontaine fraîche où nous boirons le soir
Et le palais où dans une auge de sardoine
S’amoncellent pour toi l’orge blonde et l’avoine.
Et nous sommes partis, Pégase ! mais depuis,
Groupe d’or le matin et bloc d’ombre la nuit.
Obstinés à jamais devant la haute porte
Fermée au pied divin comme a Méduse morte,
En face du ventail d’airain rude et de fer.
De ma lance d’argent et de mon poing de chair