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parvins aux mansardes et, poussant une porte, je le découvris dans une petite chambre démeublée, accroupi sur le carreau et soufflant dans une musette laissée là sans doute par quelque drôle de la valetaille. Il ne m’entendit pas venir et continua d’enfler l’outre obèse d’où il tirait une mélodie rauque. A ma vue, il se leva, jetant l’instrument qui se dégonfla avec un soupir plaintif.

« Je me prépare au voyage, me dit-il : demain la voiture me conduira jusqu’à la côte ; un bateau me traversera la mer et je reverrai le manoir natal... Jamais, peut-être, ajouta-t-il, je ne me sentirais la force de partir sans ce vieux pipeau et sa pauvre musique. J’y ai revu mon pays, ses landes grises et roses, ses bois, ses grèves, la danse sur l’aire battue, le teint des filles, le visage des garçons. J’ai respiré son odeur de sucre et de sel, fleurs et algues, abeilles et mouettes ! Une fois là-bas tout cela me paraîtra insipide. Que l’ennui fera-t-il de moi ! Un maniaque, comme le prince de Termiane. Vous le connaissez, vous savez sa vie à Termi. C’est une ville sinistre, immense, avec ses palais abandonnés, ses hôtels en ruines parmi de verdâtres