Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là-bas, d’une façon intermittente comme insinuée par les pores du brouillard. Cela sourdait de la nuit spongieuse et je finis par y distinguer un concert de flûtes.

Ma résolution fut vite prise. Le pilote me renseigna. Le navire se trouvait à l’ancre au centre d’une baie sablonneuse à cinq cents toises de la côte. Je descendis à ma cabine ; j’attachai à mon col une petite boussole et je me coulai à l’avant du navire sur la figure de proue. Vite déshabillé je m’orientai une dernière fois et, par une corde déroulée, je me laissai glisser dans la mer, silencieusement.


*


L’eau était tiède et doucereuse et je nageais sans bruit. Bientôt le vaisseau disparut à mes yeux. L’onde murmurait à mes oreilles ; parfois je me mettais sur le dos pour vérifier ma direction. Bientôt j’entendis la rumeur de la vague sur la plage. Le brouillard s’éclaircit et devint une vapeur transparente. Je pris pied. Des algues flottantes frôlèrent mes jambes nues. L’odeur des fleurs riveraines se mêla à l’arôme des plantes marines. Un petit bois formait une