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villait les reliures des vieux livres ou fondait la cire des sceaux au bas des parchemins. Quelquefois, je me levais de mon isolement pour aller, dans les pièces qu’ils remplissaient, visiter les épées et les coquillages ; j’en détachais une des panoplies ou j’en retirais un des vitrines.

L’épée était lourde ou légère ; la lame jaillie du fourreau, claire ou aiguë, plate ou sinueuse, je restais longtemps, l’arme à la main, debout, immobile, perdu dans une rêverie violente.

Les coquilles m’intéressaient ; je soupesais avec précaution leur fragilité ; il y en avait d’astucieuses et de confidentielles ; certaines recélaient encore des grains de sable ; elles étaient bizarres et éloquentes ; j’y appliquais l’oreille, y écoutant le bruit de la mer, longtemps, indéfiniment, jusqu’au soir. Le murmure semblait se rapprocher, croître et finissait par m’étourdir, m’emplir tout entier, tellement, qu’une fois, j’eus l’impression comme d’une vague qui m’enveloppait, me submergeait. Je laissai tomber la conque qui se brisa.

Je ne revins plus dans la galerie de même que je délaissai le cabinet des épées, à cause