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en rade, son beau quai, son vieil hôtel de ville, et j’ai toujours plaisir à saluer les Cariatides de Puget. Musculeuses et gonflées, elles ont l’air d’avoir trop aspiré le vent de la mer et d’en être restées suffoquées. Et puis, il y a, à Toulon, d’antiques petites rues sombres qui m’enchantent, des places à platanes et à fontaines, une entre autres, qui me ravissent. Je ne sais pas comment on l’appelle, mais elle est à un bout de la ville, près du rempart. C’est là que stationnent les diligences qui desservent encore certaines localités des environs. On dirait un tableau de Boilly, retouché par Tartarin ! Rien d’amusant et de pittoresque comme ces guimbardes, à demi disloquées et plus ou moins démodées, avec leurs bâches poudreuses et leurs grosses roues cerclées de boue… Nous sommes restés là quelques jours. Il y a un hôtel convenable, des fleuristes bien fournies et un pâtissier appréciable. J’ai refait aux alentours des promenades que j’aime, celles que j’appelle la tournée des trois caps : le cap Cépet, le cap Sicié, le cap Brun. D’ailleurs, toute la banlieue toulonnaise a un caractère très original, même en ses pires endroits, avec ses masures misérables, ses routes pierreuses, ses mastroquets. Il y a des coins d’une sécheresse aride et piteuse que rehausse, çà et là, la noble silhouette de quelque cyprès aigu. Ces cyprès, dans ces paysages, mon cher, c’est comme un poignard d’Orient à la ceinture d’un chemineau !… »

Nous avons encore parlé de diverses choses : d’Antibes, de Nice que l’on connaît mal, de Monte-