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ma mère m’amena à partager ses vues. De plus, ses lettres eurent une autre utilité. Elle m’apprirent beaucoup de choses sur moi-même. Un jeune homme connaît assez mal son caractère. Il a besoin qu’on le lui révèle. Ma mère profita de l’occasion qui s’offrait pour m’aider à mieux discerner le mien. Elle le fit avec cette finesse et cette vérité d’observation qui lui sont propres. Elle me traça de moi-même le portrait le plus exact et le plus juste. Elle me convainquit de la nécessité où j’étais de résister à certaines tendances de ma nature.

Une fois mon assentiment acquis au projet que j’avais eu tant de mal à accepter, ma mère me mit au courant de certains avantages que, de plus, elle y trouvait pour moi. En s’établissant à Clessy-le-Grandval, elle me ménageait à Paris une existence plus large que celle que nous y menions à deux. Elle laissait désormais à ma disposition tout le bien dont elle avait hérité de mon père, ne voulant rien en garder pour elle. Elle se contentait, pour subvenir à ses dépenses personnelles, du peu qui lui appartenait en propre et dont le principal consistait dans le petit héritage de son vieux parent nantais. Elle avait ainsi de quoi payer à Mme de Préjary une modeste pension, qui était pour sa vieille amie une aide pécuniaire appréciable. Les choses ainsi réglées m’assuraient une complète indépendance.

Malgré cela, je n’étais guère heureux de ma situation nouvelle. Pour la première fois, il me fallait m’occuper de certaines questions pratiques. Cela fai-