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mantes photographies. Ce sont ces souvenirs du passé qui ont rappelé ma mère à Clessy-le-Grandval. Elle avait reporté sur Mme  de Préjary l’affection qu’elle avait pour Cécile. Aussi, à la mort des parents de ma mère, fut-ce Mme  de Préjary qui la recueillit chez elle, orpheline, jusqu’au moment de son mariage avec mon père. Ensuite, les seules absences que ma mère se permit furent pour aller à Clessy embrasser sa vieille amie. Lorsque, plus tard, elle apprit que Mme  de Préjary était à demi paralysée, elle courut à Clessy pour la soigner. Les médecins, quelques mois après, ayant déclaré que Mme  de Préjary ne se rétablirait jamais, ce fut de Clessy que ma mère m’annonça la résolution qu’elle prenait de quitter Paris, et de se consacrer aux soins que nécessitait l’état de santé de la malade.

À ce projet de ma mère, de se fixer à Clessy-le-Grandval et d’y accomplir, loin de moi, la tâche qu’elle s’était prescrite, j’éprouvai une grande surprise et un vif chagrin. J’avais à ce moment vingt-cinq ans, et nous habitions ensemble, ma mère et moi. Jamais nous ne nous étions quittés. Nous vivions dans l’intimité la plus complète et je lui laissais la haute main sur la direction de notre existence commune. L’idée de prendre par moi-même une décision ne me serait pas venue. Je m’en remettais entièrement à elle. Ses intentions de retraite à Clessy-le-Grandval m’apparurent comme un véritable abandon. Qu’avais-je fait pour mériter ce traitement ?