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entre nous aucune manifestation exceptionnelle. Il s’ensuit donc que le recommencement de l’année ne me préoccupe pas extrêmement et que je laisse volontiers au hasard le soin de m’apprendre que le moment fatidique approche où les gens éprouvent le besoin de se congratuler de leur durée et d’échanger des vœux et des offrandes. Le plus souvent, une certaine animation des rues, la parure des magasins, l’affairement des passants suffisent à m’annoncer que le temps est venu où je dois me munir des objets et des paroles d’usage. À défaut de ces indications, les soins plus empressés de mon valet de chambre ou le sourire plus affectueux de mon concierge me rendent le service de ne pas me laisser trop ignorer ce qu’ils attendent de moi. Alors, j’obéis docilement à leur injonction et je me prépare à me soumettre sans résistance à l’annuelle cérémonie. Une dizaine de petits paquets, un dialogue avec le confiseur, quelques cartes me mettent en règle avec les exigences de la politesse et de l’amitié.

Cependant, il y a des années — et celle d’après-demain en est une — où je risquerais fort de demeurer insensible aux suggestions habituelles et où je manquerais aisément aux bienséances les plus élémentaires. Sans une intervention plus explicite du hasard, je serais fort capable d’oublier tous mes devoirs, et je le regretterais, car je ne me sens aucun droit de m’en affranchir. Je ne suis qu’un monsieur quelconque et qui doit, par conséquent, se conformer à la discipline commune, tout en remer-