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aucune chance d’être agréé. Il parut donc à Neroli que Nina ne voulait pas se marier et ne se contenterait jamais de l’amour sérieux d’un seul homme.

Or, Neroli avait conçu une vive passion pour Nina. Le refus qu’elle lui fit de l’épouser fut loin de diminuer son désir, mais elle le délivra de tous scrupules, et Neroli se jura que Nina, puisqu’elle ne voulait pas être sa femme, serait au moins sa maîtresse. Aussi se mit-il en devoir de parvenir à ses fins amoureuses. Au bout de quelque temps, Neroli pouvait, sans trop de fatuité, croire que ses affaires étaient en bonne voie. Maintenant que Neroli n’était plus un prétendant à sa main, Nina le traitait avec une bienveillante familiarité. À ce manège, Neroli s’échauffait. La passion très réelle qu’il éprouvait devenait de jour en jour plus violente. Nina s’en apercevait et semblait flattée d’inspirer un sentiment si ardent. Enfin, les choses en vinrent au point que le moment arriva où Neroli voulut passer des paroles aux actes. Il s’attendait bien à quelque résistance, mais l’accueil qu’il reçut dépassa son attente. Nina lui signifia nettement qu’il n’obtiendrait jamais rien d’elle. Tout d’abord, il crut que ce n’était là qu’une façon de dire, mais bientôt il comprit que Nina avait parlé pour de bon. D’autres se fussent résignés, mais ce diable de petit Siennois n’entendait pas perdre ainsi la partie… Il était fou d’amour et de désir. Il lui fallait Nina, de gré ou de force. « Je n’aurais plus dormi une nuit tranquille, me disait-il, et j’aurais toujours vu ses yeux dans la tombe ! »