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lit de repos, très pâle. Puis ce fut la funèbre cérémonie. J’avais douze ans.

Telles furent les premières années de ma vie, que m’a rappelées soudain l’annonce, lue dans un journal, de cette barque de Pouliguen, perdue en mer. Elles me reviennent assez rarement à la mémoire. Après la mort de mon père, ma mère et moi sommes venus habiter Paris. Ce n’est qu’il y a quatre ans que le hasard d’un voyage en auto m’a ramené sur la côte. Nous voyagions en bonne fortune, Antoine Hurtin et moi. Lui, avec Louise d’Evry, du Vaudeville ; moi, avec Étiennette Sirville. C’est peu après que je me suis brouillé avec Antoine. Mais laissons là ces désagréables souvenirs… En passant, j’aperçus les toits de la Lambarde et son bois de chênes verts. Mon cœur n’a pas battu à cette vue, d’autres sentiments l’agitaient. Notre auto filait à toute vitesse sur la route ensoleillée. Les carrés d’eau des marais salants réverbéraient un ciel clair en leurs miroirs plats. Je n’ai pas fait arrêter la voiture. À quoi bon ! La Lambarde n’eût pas été celle d’autrefois. Ma mère l’a vendue à un riche commerçant de Nantes et je n’aurais plus retrouvé, certainement, ses murs vétustes et son vieux jardin à l’abandon.


20 janvier. — Marcellin pousse la porte et me dit, avec une nuance de respect : « Monsieur, c’est le docteur. » Puis il s’efface devant l’imposante prestance du docteur Tullier.