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Il paraîtrait également, selon les bons pères de Trévoux et selon le docte Paillot, que l’Amphisbène est le symbole de la trahison et de l’esprit de satire. J’aime mieux n’en rien croire et attribuer à l’emblème qu’a choisi le cher Pompeo Neroli une autre signification. Pourquoi ne le pas considérer comme une simple image de l’incertitude ?


18 janvier. — Je lis dans un journal qu’une barque de pêche du Pouliguen s’est perdue en mer par le mauvais temps qui règne sur la côte.

Comme c’est singulier : de mon enfance passée dans ce coin du pays breton, je n’ai conservé aucune impression d’hiver. Lorsque je revois en pensée la petite ville marine et la contrée environnante, c’est toujours sous leurs aspects de printemps, d’été ou d’automne qu’elles m’apparaissent. Et, pourtant, ce Pouliguen, au nom un peu ridicule, n’est pas un endroit spécialement privilégié. On y subit des jours de froid, des jours de pluie, des jours de vent. Je sais bien que le climat de cette baie est tempéré, mais il n’a cependant rien d’exceptionnel. Les éléments y ont, comme ailleurs, leur violence. La preuve en est la tempête de ces jours-ci et cette barque naufragée.

Pauvre petite barque, comme je me l’imagine bien avec sa coque rebondie et peinturlurée, ses voiles brunes ou bleues, ses cordages et ses filets ! Elle était pareille à toutes celles que je voyais croiser