Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

gants, les seins menus et ronds. Et Bergy jouit de ces beautés fugitives. Elles lui paraissent inappréciables. Puis les jours passeront, il en goûtera moins la grâce, il s’en détachera peu à peu ; il finira par les oublier. Et la jolie vivante deviendra à son tour une de ces figurines modelées, où Jacques exprime ses souvenirs de volupté. Car les femmes ne sont pour lui qu’un divertissement instructif. De chacune, il apprend le jeu de quelques lignes, le charme de quelques attitudes. Il leur demande d’être, un moment, sa distraction et son amusement. Il aime à les mêler aux paysages où il se promène et où il les laisse derrière lui. Le passé devient cendre entre ses doigts, mais, de cette cendre, au lieu de l’éparpiller au gré du vent, il sait modeler des figures durables. L’amour n’est pour lui que de l’art sous forme de volupté. Puisse-t-il en être toujours ainsi ! Qui sait si ne viendra pas un jour où toutes les forces de son désir iront vers un sourire indispensable, où il connaîtra l’amour, non plus en ses caprices, mais en sa passion la plus exclusive et la plus impérieuse ? Il en peut être ainsi pour chacun de nous et, selon que les événements nous favorisent ou non, c’est pour nous une occasion de joies infinies où une cause de cruels tourments.


17 janvier. — J’ai passé toute ma journée d’hier à bouquiner. Est-ce à cause de la récente visite d’Yves de Kérambel, mais j’ai feuilleté longtemps