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même. Chaque objet me remémore un voyage, une flânerie. Mais, aujourd’hui, j’entends mal le langage de ces témoins familiers. Ils semblent se méfier de moi et sont avares de confidences.

Cependant, je tente de les provoquer aux effusions, mais ils répondent mal à mes avances, et, comme je sens qu’ils me repoussent, je m’éloigne d’eux. Il n’est pas jusqu’à la charmante petite statuette que m’a donnée, l’an dernier, Jacques de Bergy, et qui, d’ordinaire, me tend si gentiment les bras, qui n’ait l’air d’éviter mon regard. Où est-il, maintenant, ce cher Bergy ? Sans doute, sur quelque point du littoral méditerranéen. Sans doute, il a pris logis dans quelque confortable hôtel de la Côte. Sa fenêtre ouvre sur le soleil levant, car il y a sûrement du soleil, là-bas ! L’air doit être vif et léger. La ramure des pins doit y murmurer doucement. À travers leurs troncs rougeâtres, on aperçoit la mer. Elle est d’un bleu dur et massif. Des voiles la parsèment. Bergy les montre du doigt à sa petite amie. Vêtue de couleurs claires, elle porte un grand chapeau fleuri. Elle s’abrite sous une ombrelle de soie peinte. Bergy et elle se promènent en de beaux paysages. Sous la robe qui couvre la jeune femme, Bergy devine son corps, et pense doucement à la prochaine nuit amoureuse…

Sur son socle, je regarde la statuette que m’a donnée Jacques de Bergy. Elle est nue, et je songe qu’elle ressemble peut-être à la maîtresse actuelle du sculpteur. Comme la figurine, elle a peut-être les jambes longues, le ventre doux, les bras élé-