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il était auparavant, il servait à lui seul toute une famille, composée du père, de la mère et d’une fille. Ces gens s’appelaient les Vervigneul. Ils étaient plus qu’à demi ruinés et conservaient une façade au prix de difficultés de toutes sortes. Marcellin avait fini par s’intéresser à leur belle défense et par entrer dans leur jeu. Il était devenu un véritable domestique de comédie. Il entretenait l’appartement, faisait la cuisine, ouvrait la porte, parlementait avec les créanciers, lavait le linge et y raccommodait les plus gros trous. Bien plus, il habillait M. de Vervigneul et aidait Madame à lacer son corset. Quant à Mlle  de Vervigneul, il avait l’honneur de lui enfiler ses bas. C’était, à entendre Marcellin, une étrange petite personne, teinte et fardée, et qui passait au lit une bonne part de sa journée, en hiver, sous les couvertures, et, en été, sur le drap, à moitié nue, à lire des romans. Elle avait des robes élégantes et, souvent, pas de chemise. Marcellin a pour elle la plus vive admiration ; il déclare aussi que M. de Vervigneul était un héros et Mme  de Vervigneul une sainte. Quant à Mademoiselle : « Le plus gentil corps de femme, Monsieur, et, avec cela, l’honnêteté même ! Vous pensez si on lui en faisait, des propositions ? Eh bien ! Monsieur, pas ça, entendez-vous, pas ça ! » Et Marcellin fait craquer son ongle avec une touchante conviction. Il se rappelle avec attendrissement ces braves Vervigneul, si panés, si chics, et les expédients auxquels ils étaient réduits. Après ce service mouvementé, ma maison lui paraît bien un peu trop calme, mais il