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réverbères étaient allumés. Je ne sais pourquoi, j’ai repensé à la jeune femme qui déjeunait chez Foyot. Où était-elle maintenant ? Vers quelle aventure douloureuse ou cruelle, sensuelle ou tendre, était-elle partie, de son pas délibéré ? Quelle expression avait, à cette heure, son visage, à peine entrevu ? Dormirait-elle seule, cette nuit, ou reposerait-elle aux bras d’un amant ? J’avais relevé le col de mon pardessus et j’allumai une cigarette. Comme je descendais les marches du péristyle, je reconnus Gernon qui filait à petits pas, dissimulé sous son macfarlane, avec son cache-nez de fourrure et son éternel chapeau de paille. Il semblait s’échapper de l’Odéon comme un rat furtif, content d’avoir grignoté quelque figure de haute lisse.


9 janvier. — J’attends, demain, à dîner, mon ami Yves de Kérambel. Marcellin, qui connaît sa gourmandise, se fait fort de nous préparer un repas satisfaisant, de le cuire, de le dresser et de le servir à lui tout seul. Je n’ai aucune raison pour douter de ses talents. Depuis trois ans qu’il est à mon service, Marcellin s’est toujours montré à la hauteur des circonstances. C’est un brave garçon ; je n’ai qu’à me louer de lui, et il n’a pas lieu, je crois, d’être mécontent de moi. Il semble considérer, d’être chez moi, comme la fin de ses aventures. Elles furent variées. Il m’en dit parfois quelques mots. Je sais, par exemple, que, dans la place où