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à cause de l’extrême chaleur. Sauf cette impression pénible, je ne souffrais pas. Une fois dehors, j’ai marché au hasard. Bientôt, je me suis retrouvé rue Bab-Azoum. La nuit était venue, la foule circulait le long des boutiques éclairées. Je marchais sans penser à rien et j’aurais continué cette promenade indéfiniment si une voix ne m’eût interpellé en même temps qu’une main se posait sur mon épaule. Je reconnus Yves de Kérambel.

Il était venu, dans l’après-midi, à bord de l’Amphisbène, pour me dire adieu et faire une visite à Mme Bruvannes. Mme Bruvannes lui avait dit que j’étais à terre. Quelle chance de me rencontrer ! Tout en parlant, Yves m’entraînait vers un café. Nous nous assîmes. On nous apporta des consommations. Je remarquai alors qu’Yves était suivi par un personnage bizarre, coiffé d’une chéchia, vêtu d’un complet crasseux, le col orné d’une éclatante cravate, Yves me présenta son étrange acolyte. C’était le chaouch Hassan, un gaillard précieux dont il m’avait déjà parlé et qui lui avait découvert sa petite Kabyle. Décidément je ne pouvais quitter Alger sans avoir vu cette gentille sauvagesse. Il fallait au moins que j’eusse un aperçu des femmes du pays, que diable ! Pendant qu’Yves parlait, Hassan, en signe d’assentiment, secouait sa chéchia et riait de ses dents blanches dans son visage basané.

Pourquoi ai-je suivi Yves de Kérambel et Hassan ? Je ne sais trop. Je crois que je préférais tout à me retrouver dans ma cabine solitaire sur l’Amphisbène.