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noire leurs reflets. Un grand silence pesait sur toute la rade. Les navires à l’ancre ou à l’amarre formaient des masses sombres. Non loin de nous, un grand paquebot de la Compagnie Transatlantique : l’Isly, sommeillait lourdement.

Du quai lointain, une chanson arrivait jusqu’à nous, faible et rauque. Laure s’est retournée vers moi :

— Allons, il faut rentrer, il est tard. À quelle heure devez-vous retrouver à la gare M. de Kérambel, demain ?

J’avais rendez-vous pour sept heures du matin. Nous serions à Ben-Tahel pour déjeuner, nous y coucherions et je serais de retour, le surlendemain, dans l’après-midi.

Laure m’écoutait distraitement. Elle semblait préoccupée. Je la regardai. Nos regards se croisèrent et je fus frappé de la tristesse de ses yeux. Lorsqu’elle eut disparu dans l’escalier des cabines, j’ai été sur le point de courir après elle. Si ce voyage à Ben-Tahel lui déplaît pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ? J’y aurais renoncé avec joie. Mais, hélas ! qu’est-ce que cela peut bien lui faire, que je m’éloigne d’elle pour quelques heures ? Et cependant, ce soir, j’ai senti, dans l’accent de ses paroles, une tendresse inusitée. Ah ! si mes espoirs n’étaient pas vains !


Alger. 25 juillet. — Il faut du calme. Ce qui est ne saurait plus ne pas avoir été. Au premier moment, ma douleur a été si vive, ma déception si