Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bien faire. Quoi qu’il en soit, il est redevenu fort gai, si gai, même, que Mme  de Lérins a dû accueillir froidement les plaisanteries par trop risquées auxquelles il se livrait à son intention. Il se l’est tenu pour dit et ne semble pas lui en vouloir. Pendant tout le trajet de Tunis à Kairouan, il a été plein de prévenances pour elle.

Un peu pénible, d’ailleurs, ce trajet, car, dans le wagon, il faisait une chaleur extrême, et le parcours n’a rien de particulièrement pittoresque. Nous étions aussi quelque peu inquiets de la nuit que nous passerions dans la Ville Sainte. Heureusement que Kairouan possède un hôtel supportable. Il est situé non loin de la gare, en dehors des murs de la ville arabe. C’est une grande maison à la française, avec des persiennes vertes, en face d’un maigre jardinet au milieu duquel se tarit à demi un petit bassin de square. À l’intérieur, nous avons trouvé de vastes chambres sommairement meublées et où nous avons dormi tant bien que mal après un excellent dîner. Le matin, tout le monde était debout de bonne heure, mais, malgré cette précaution, la chaleur était déjà forte, quand nous pénétrâmes dans Kairouan par sa porte crénelée. Pas un souffle n’agitait l’air embrasé. C’était accablant et magnifique.

Cette porte guerrière s’ouvre sur la rue principale de Kairouan, la seule où il y ait quelques boutiques à l’européenne. Sauf cette rue, Kairouan est un lacis inextricable de ruelles brûlantes et poussiéreuses resserrées entre des maisons blanches, qui